La nuit.
Elie Wiesel.
Editions de Minuit.
200 pages.
Résumé:
La Nuit est un récit d'Elie
Wiesel fondé sur son expérience lorsque, jeune juif orthodoxe, il fut déporté
avec sa famille dans le camp d'extermination nazi d'Auschwitz, puis dans le
camp de concentration de Buchenwald, dont il fut libĂ©rĂ© le 11 avril 1945, Ă
l'âge de 16 ans. Issu d'un milieu fortement religieux, sa confiance en
Dieu et en l'humanité fut fortement ébranlée par l'expérience
concentrationnaire, qu'il décida de ne pas évoquer pendant dix ans. Il la
transcrivit au terme de cette période sous forme d'un manuscrit en yiddish, qui
fut publiĂ© en 1955 sous le titre d’...Un di Velt Hot Geshvign (...Et le monde
se taisait), puis traduit (ou, selon certains, adapté pour un public plus
large) en français. Cinquante ans plus tard, le volume de 178 pages, décrit
comme « dĂ©vastateur dans sa simplicitĂ© », est considĂ©rĂ© comme un pilier de la
littérature de la Shoah, aux côtés de Si c'est un homme de Primo Levi et du
Journal d'Anne Frank.
Mon avis:
J'ai lu énormément de témoignages
sur l'holocauste mais aucun d'entre eux ne m'a autant bouleversé que
celui-ci. Encore sous le coup de l'émotion et la gorge serrée, j'ai bien
du mal à trouver les mots pour vous parler de ce récit terriblement poignant.
Elie Wiesel me marquera je pense Ă jamais, au mĂŞme titre qu'Anne Franck, Primo
Levi et tant d'autres, parce qu'on lui a volé son enfance, sa famille, sa
vie. Qu'à cause de la folie de certains hommes, il a perdu foi en l'humanité,
foi en le dieu en lequel il croyait, foi en lui mĂŞme.
Elie Wiesel a 15 ans lorsqu'il
est enfermé dans le ghetto de son quartier, puis envoyé avec sa mère, son
père, avec qui il va rester jusqu'à la mort de celui-ci, et ses
trois sĹ“urs dans le camp d'extermination nazi d'Auschwitz. On assiste impuissant tout d'abord Ă leur sentiment de rejet, eux qu'on dĂ©cide de mettre Ă
part à cause de leur croyance, et de leur apparence. Puis à leur incrédulité face
au piège dans lequel ils sont tombés, face au sort cruel qu'on leur
réservait, eux qui avaient toute confiance en l'humanité. Mais peut-on encore
parler d'humanité, face à de tels actes de barbarie?
"Ecoute moi bien, petit.
N'oublie pas que tu es dans un camp de concentration. Ici chacun doit
lutter pour lui même et ne pas penser aux autres. Même pas à son père. Ici, il
n'y a pas de père qui tienne, pas de frère, pas d'ami. Chacun vit et meurt pour
soi, seul."
Je suis bien-sûr au courant des
abominations que subissaient les juifs à cette période dans les camps de
concentration et d'extermination, mais je ne pensais pas pouvoir en apprendre
encore plus sur l'horreur. Certains passages sont affreux, choquants,
nous soulèvent l'estomac, sont de véritables crèves cœur.
Comment ne pas avoir les larmes aux yeux lorsque l'on voit tous ces
hommes privés d'eau, de nourriture, pendant des jours et des jours, transformés
en animaux, s’entre-tuer, parfois mĂŞme au sein de la mĂŞme famille, pour un
morceau de pain? Lorsque l'on voit qu'ils préféraient presque qu'on les tue pour qu'ils
ne souffrent plus? Et comment ne pas être révolté et ressentir de la haine pour
ces soldats qui les obligeaient Ă travailler dans le froid, presque
nu, jusqu'Ă ce qu'ils meurent d'Ă©puisement?
"L'obscurité était totale.
J'entendais seulement ce violon et c'était comme si l'âme de Juliek lui servait
d'archet. Il jouait sa vie. Toute sa vie glissait sur les cordes. Ses espoirs
perdus. Son passé calciné, son avenir éteint. Il jouait ce que jamais plus il
n'allait jouer. Je ne pourrai jamais oublier Juliek. Comment pourrai-je oublier
ce concert donné à un public d'agonisants et de morts! Aujourd'hui encore,
lorsque j'entends jouer du Beethoven, mes yeux se ferment et, de l'obscurité
surgit le visage pâle et triste de mon camarade polonais faisant au violon ses
adieux Ă un auditoire de mourants et de morts."
Ce qui ressort de ce roman c'est
bien évidemment l'horreur vécue, la haine de l'auteur pour les nazis, mais aussi
le regret. Le regret de ne plus pouvoir croire en l'existence d'un dieu. Un
dieu qui les a en quelque sorte abandonné pendant ces terribles années. Car
comment avoir encore la foi après cela? Le regret ensuite de ne pas avoir
répondu à son père mourant, de peur d'être fusillé. Le regret enfin d'avoir
vu toute sa vie dans son propre reflet les yeux d'un mort
vivant, parce qu'il est bien Ă©videmment impossible d’ĂŞtre le mĂŞme lorsque
l'on a côtoyé la mort de si prés.
"L'oubli signifierait danger
et insulte. Oublier les morts serait les tuer une deuxième fois. Et si, les
tueurs et leurs complices exceptés, nul n'est responsable de leur première
mort, nous le sommes de la seconde."
J'ai appris le décès de l'auteur,
le 2 juillet 2016, en effectuant des recherches sur internet après avoir
terminé ce livre. J'ai alors su qu'il était un des déportés rescapés le plus
connu de l’histoire des camps. Il figure d'ailleurs sur une photographie
tristement célèbre que l'on retrouve dans tous les manuels d'Histoire
concernant la seconde guerre mondiale. Je ne connaissais pas Elie
Wiesel, mais je ne l'oublierai jamais.
Pour conclure:
Une nuit est un témoignage comme
aucun autre, déchirant, sur l'horreur des camps, et la déshumanisation. Il
raconte également la foi perdue, la perte de dignité, et les regrets d'un
enfant qui toute sa vie va se reprocher d'avoir abandonné son père. Des souvenirs
atroces, restés à jamais gravés au fond de sa mémoire. Un récit qu'il faut
absolument lire, comme un devoir de mémoire, pour ne jamais oublier que
malheureusement de tels crimes ont existé.
Ma note: 20/20.
Je suis entrain de lire Si c'est un homme de Primo Levi, après avoir étudié quelques extraits pour mon bac français il y a 5 ans. Juste avant j'ai lu Elle s'appelait Sarah, de Tatiana de Rosnay. Même si ce dernier n'est pas un témoignage comme Si c'est un homme, il m'a énormément marqué.
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