jeudi 6 octobre 2016

La nuit.
Elie Wiesel.
Editions de Minuit.
200 pages.

Résumé:

La Nuit est un rĂ©cit d'Elie Wiesel fondĂ© sur son expĂ©rience lorsque, jeune juif orthodoxe, il fut dĂ©portĂ© avec sa famille dans le camp d'extermination nazi d'Auschwitz, puis dans le camp de concentration de Buchenwald, dont il fut libĂ©rĂ© le 11 avril 1945, Ă  l'âge de 16 ans. Issu d'un milieu fortement religieux, sa confiance en Dieu et en l'humanitĂ© fut fortement Ă©branlĂ©e par l'expĂ©rience concentrationnaire, qu'il dĂ©cida de ne pas Ă©voquer pendant dix ans. Il la transcrivit au terme de cette pĂ©riode sous forme d'un manuscrit en yiddish, qui fut publiĂ© en 1955 sous le titre d’...Un di Velt Hot Geshvign (...Et le monde se taisait), puis traduit (ou, selon certains, adaptĂ© pour un public plus large) en français. Cinquante ans plus tard, le volume de 178 pages, dĂ©crit comme « dĂ©vastateur dans sa simplicitĂ© », est considĂ©rĂ© comme un pilier de la littĂ©rature de la Shoah, aux cĂ´tĂ©s de Si c'est un homme de Primo Levi et du Journal d'Anne Frank.

Mon avis:

J'ai lu Ă©normĂ©ment de tĂ©moignages sur l'holocauste mais aucun d'entre eux ne m'a autant bouleversĂ© que celui-ci. Encore sous le coup de l'Ă©motion et la gorge serrĂ©e, j'ai bien du mal Ă  trouver les mots pour vous parler de ce rĂ©cit terriblement poignant. Elie Wiesel me marquera je pense Ă  jamais, au mĂŞme titre qu'Anne Franck, Primo Levi et tant d'autres, parce qu'on lui a volĂ© son enfance, sa famille, sa vie. Qu'Ă  cause de la folie de certains hommes, il a perdu foi en l'humanitĂ©, foi en le dieu en lequel il croyait, foi en lui mĂŞme. 

Elie Wiesel a 15 ans lorsqu'il est enfermĂ© dans le ghetto de son quartier, puis envoyĂ© avec sa mère, son père, avec qui il va rester jusqu'Ă  la mort de celui-ci, et ses trois sĹ“urs dans le camp d'extermination nazi d'Auschwitz. On assiste impuissant tout d'abord Ă  leur sentiment de rejet, eux qu'on dĂ©cide de mettre Ă  part Ă  cause de leur croyance, et de leur apparence. Puis Ă  leur incrĂ©dulitĂ© face au piège dans lequel ils sont tombĂ©s, face au sort cruel qu'on leur rĂ©servait, eux qui avaient toute confiance en l'humanitĂ©. Mais peut-on encore parler d'humanitĂ©, face Ă  de tels actes de barbarie? 

"Ecoute moi bien, petit. N'oublie pas que tu es dans un camp de concentration. Ici chacun doit lutter pour lui mĂŞme et ne pas penser aux autres. MĂŞme pas Ă  son père. Ici, il n'y a pas de père qui tienne, pas de frère, pas d'ami. Chacun vit et meurt pour soi, seul."

Je suis bien-sĂ»r au courant des abominations que subissaient les juifs Ă  cette pĂ©riode dans les camps de concentration et d'extermination, mais je ne pensais pas pouvoir en apprendre encore plus sur l'horreur. Certains passages sont affreux, choquants, nous soulèvent l'estomac, sont de vĂ©ritables crèves cĹ“ur. Comment ne pas avoir les larmes aux yeux  lorsque l'on voit tous ces hommes privĂ©s d'eau, de nourriture, pendant des jours et des jours, transformĂ©s en animaux, s’entre-tuer, parfois mĂŞme au sein de la mĂŞme famille, pour un morceau de pain? Lorsque l'on voit qu'ils prĂ©fĂ©raient presque qu'on les tue pour qu'ils ne souffrent plus? Et comment ne pas ĂŞtre rĂ©voltĂ© et ressentir de la haine pour ces soldats qui les obligeaient Ă  travailler dans le froid, presque nu, jusqu'Ă  ce qu'ils meurent d'Ă©puisement? 

"L'obscurité était totale. J'entendais seulement ce violon et c'était comme si l'âme de Juliek lui servait d'archet. Il jouait sa vie. Toute sa vie glissait sur les cordes. Ses espoirs perdus. Son passé calciné, son avenir éteint. Il jouait ce que jamais plus il n'allait jouer. Je ne pourrai jamais oublier Juliek. Comment pourrai-je oublier ce concert donné à un public d'agonisants et de morts! Aujourd'hui encore, lorsque j'entends jouer du Beethoven, mes yeux se ferment et, de l'obscurité surgit le visage pâle et triste de mon camarade polonais faisant au violon ses adieux à un auditoire de mourants et de morts."

Ce qui ressort de ce roman c'est bien Ă©videmment l'horreur vĂ©cue, la haine de l'auteur pour les nazis, mais aussi le regret. Le regret de ne plus pouvoir croire en l'existence d'un dieu. Un dieu qui les a en quelque sorte abandonnĂ© pendant ces terribles annĂ©es. Car comment avoir encore la foi après cela? Le regret ensuite de ne pas avoir rĂ©pondu Ă  son père mourant, de peur d'ĂŞtre fusillĂ©. Le regret enfin d'avoir vu toute sa vie dans son propre reflet les yeux d'un mort vivant, parce qu'il est bien Ă©videmment impossible d’ĂŞtre le mĂŞme lorsque l'on a cĂ´toyĂ© la mort de si prĂ©s. 

"L'oubli signifierait danger et insulte. Oublier les morts serait les tuer une deuxième fois. Et si, les tueurs et leurs complices exceptés, nul n'est responsable de leur première mort, nous le sommes de la seconde."

J'ai appris le dĂ©cès de l'auteur, le 2 juillet 2016, en effectuant des recherches sur internet après avoir terminĂ© ce livre. J'ai alors su qu'il Ă©tait un des dĂ©portĂ©s rescapĂ©s le plus connu de l’histoire des camps. Il figure d'ailleurs sur une photographie tristement cĂ©lèbre que l'on retrouve dans tous les manuels d'Histoire concernant la seconde guerre mondiale. Je ne connaissais pas Elie Wiesel, mais  je ne l'oublierai jamais. 

Pour conclure:
Une nuit est un tĂ©moignage comme aucun autre, dĂ©chirant, sur l'horreur des camps, et la dĂ©shumanisation. Il raconte Ă©galement la foi perdue, la perte de dignitĂ©, et les regrets d'un enfant qui toute sa vie va se reprocher d'avoir abandonnĂ© son père. Des souvenirs atroces, restĂ©s Ă  jamais gravĂ©s au fond de sa mĂ©moire. Un rĂ©cit qu'il faut absolument lire, comme un devoir de mĂ©moire, pour ne jamais oublier que malheureusement de tels crimes ont existĂ©.     


Ma note: 20/20.

1 commentaire:

  1. Je suis entrain de lire Si c'est un homme de Primo Levi, après avoir étudié quelques extraits pour mon bac français il y a 5 ans. Juste avant j'ai lu Elle s'appelait Sarah, de Tatiana de Rosnay. Même si ce dernier n'est pas un témoignage comme Si c'est un homme, il m'a énormément marqué.

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