vendredi 3 mars 2017

La porte du ciel.
Dominique Fortier.
Editions Les Escales.
249 pages.
En librairie depuis le 5 janvier 2017.

Résumé:

Au coeur de la Louisiane et de ses plantations de coton, deux fillettes grandissent ensemble. Tout les oppose. Eleanor est blanche, fille de médecin ; Eve est mulâtre, fille d'esclave. Elles sont l'ombre l'une de l'autre, soumises à un destin qu'aucune des deux n'a choisi. Dans leur vie, il y aura des murmures, des désirs interdits, des chemins de traverse. Tout près, surtout, il y aura la clameur d'une guerre où des hommes affrontent leurs frères sous deux bannières étoilées. Plus loin, dans l'Alabama, des femmes passent leur vie à coudre. Elles assemblent des bouts de tissu, Pénélopes modernes qui attendent le retour des maris, des pères, des fils partis combattre. Leurs courtepointes sont à l'image des Etats-Unis : un ensemble de morceaux tenus par un fil – celui de la couture, celui de l'écriture.

Mon avis:

La ségrégation est un thème qui me touche particulièrement, il était donc évidant que je lise celui-ci. Je remercie d'ailleurs beaucoup les Editions Les Escales pour l'envoi de ce titre.

J'ai lu un certain nombre d'avis négatifs ou mitigés concernant ce roman, notamment parce que le résumé semble-t-il n'est pas vraiment révélateur de son contenu. Il est vrai que je rejoins sur ce point ces lecteurs. En commençant ce roman je m’attendais surtout à suivre une jolie histoire d'amitié, presque fraternelle entre Eleanor et Eve, deux petites filles qui à priori n'étaient pas supposées avoir de liens si forts à cause de la différence de leur couleur de peau.

Hors, j'ai trouvé qu'il y avait peu finalement de passages sur la complicité qui s'installe entre les deux fillettes. On les suit bien-sûr tout au long du récit mais souvent indépendamment l'une de l'autre. On sent une réelle affection entre elles puisqu'elles ont grandi ensemble, mais sans pour autant que chacune défende vraiment ses convictions. Si Eleanor condamne intérieurement le traitement fait aux noirs, elle reste passive. Eve quant à elle ne se livre pas à Eleanor, elle s'insurge également en silence de ces inégalités, mais elle reste dans son monde.  J'aurais aimé peut-être d'avantage de passages sur les moments passés entre elles deux, des anecdotes qui auraient pu nous montrer leur attachement mutuel, mais aussi les différences et les injustices qui les séparaient.

Cependant, le récit est riche de passages qui nous font réfléchir sur la perception des noirs par les hommes blancs à cette époque, et qui nous font comprendre que la distinction est très forte, et est présente partout. Je pense notamment à certains préjugés, à certaines idées évoquées dans le roman, comme le fait par exemple que tous les noirs viennent d'Afrique, qu'une personne de couleur est considérée comme les trois cinquième d'un homme, ou encore à la comparaison faite entre les règles du jeu d'échiquier et les conflits qui séparent les hommes blancs des noirs... Des pensées bien entendu qui sont absurdes et qui révoltent, mais qui sont révélatrices de l'esprit étroit des gens de l'époque. 

Dominique Fortier profite également de ce récit pour nous délivrer certains pans de l'Histoire américaine qui ont été à mon sens très intéressants d'évoquer. L'auteure évoque le Klu Klux Klan, mais on en apprend beaucoup également sur la guerre de Sécession qui éclate en 1861, qui oppose les états confédérés du nord menés par Jefferson Davis, et les états abolitionnistes du Sud menés par Abraham Lincoln. Un conflit qui nous montre bien que le pays était vraiment divisé concernant la question des noirs. Si certains commençaient à s'indigner de leurs conditions d'esclaves, d'autres au contraire très conservateurs étaient pour, car selon eux c’était le statut qui leur revenait naturellement, et qu'il ne fallait pas sacrifier autant d'homme blancs sur les champs de bataille pour améliorer leurs conditions.

Par contre, si le roman est intéressant car il pousse le lecteur à de nombreuses réflexions sur la question du racisme envers les noirs, sur la légitimité de chacun, le récit est je trouve très décousu. On passait souvent d'un événement à un autre sans véritables liens entre eux ou avec l'intrigue de départ, et c'est ce qui m'a le plus dérangé. J'avais l'impression que l'auteure avait beaucoup d'idées, de notions à évoquer, mais qu'elle ne savait pas très bien comment les amener. De même, je n'ai pas apprécié les quelques passages sur la confection des courtepointes par les femmes de couleurs, qui selon moi n’étaient pas nécessaires, car à mon sens ils n'apportaient rien de particulier au récit.

C'est donc un avis en demi-teinte que je livrerai de ce roman. Si j'ai aimé la plume de Dominique Fortier qui est intelligente, qui invite à la réflexion et qui est à certains moments je trouve poétique, j'ai trouvé qu'elle s'éparpillait un peu trop, ce qui cassait le rythme de l’histoire, me faisait un peu perdre le fil conducteur du récit, et qui m'a empêché souvent de ressentir les émotions que l'on est supposé ressentir face à tant d'inégalités.

Pour conclure:
La porte du ciel est un roman intéressant car il aborde des faits importants de l'Histoire américaine comme la naissance de la guerre de Sécession ou encore le Klu Klux Klan. Cependant ces mouvements évoqués, qui s’élèvent pour la notion de liberté ou au contraire qui condamnent encore plus les noirs, sont malheureusement je trouve au détriment de ceux concernant Eleanor et Eve. Le récit décousu ne m'a donc pas vraiment permis de m'attacher aux personnages et d'être touchée comme je pensais l'être. Une bonne lecture que je conseille à tous ceux qui souhaitent en apprendre plus sur la ségrégation, mais qui ne fait pas partie des meilleurs que j'ai pu lire sur le sujet.

Ma note: 14/20.

2 commentaires:

  1. Avec le recul, j'avoue que certains éléments de ce roman m'ont plu : notamment les passages avec le Klu Klux Klan. Mais je pense que j'attendais un éclairage différent et c'est pourquoi ce roman m'a déçu.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui c'est vrai que certains passages sont intéressants et nous apprennent plein de choses, mais c'est la construction du récit qui pêche un peu je trouve.Bisous

      Supprimer