mercredi 26 avril 2017

Le refuge des souvenirs.
Mary Marcus.
Editions Presses de la cité.
444 pages.
En librairie depuis le 16 mars 2017.

Résumé:

En Louisiane, en 1963, la haine est partout, mais les liens du cœur sont parfois plus forts que ceux du sang. Mary Jacob grandit dans l'indifférence générale. Son unique confidente : Lavina, la domestique noire de la famille, qui la considère comme sa fille. Quand Lavina est tuée lors d'incidents raciaux, Mary Jacob est envoyée en pension sans que le drame soit jamais évoqué. Pour se protéger, la fillette oublie tout de cette période. Trente ans plus tard, Mary Jacob retourne dans sa ville natale, auprès de son père mourant. Sur les traces de son passé, la jeune femme recouvrera-t-elle la mémoire ? Pourra-t-elle faire la paix avec sa propre histoire et avec Billy Ray, le fils de Lavina, blessé par le silence et les non-dits ?

Mon avis:

La ségrégation raciale est un sujet qui m'a toujours passionné et que j'adore retrouver en littérature, car aujourd'hui encore malgré tous les livres que j'ai lu sur ce conflit je ne parviens pas à comprendre comment de telles pensées, de tels actes ont pu être commis envers des êtres humains à cause d'une simple couleur de peau. Je remercie ainsi beaucoup les Editions Presses de la cité pour l'envoi de ce titre.
J'avais lu quelques chroniques mitigées concernant ce roman dans lesquelles les lecteurs expliquaient qu'ils avaient été déçus. Pour ma part Le refuge des souvenirs a été un véritable coup de cœur. J'ai lu il y a maintenant deux ans La couleur des sentiments et j'ai complètement retrouvé tout ce qui m'avait charmé à l'époque dans le roman de Kathryn Stockett, à savoir la complicité et l'amour inconditionnel entre une servante de couleur et la petite fille de ses maîtres dans un climat de tensions raciales permanentes, ainsi que le soulèvement progressif des noires contre les brimades dont ils sont victimes. Ce livre est une pépite que j'ai savouré pages après pages, qui m'a énormément ému mais qui m'a aussi fait énormément réfléchir sur les conflits qui gagnaient peu à peu à cette époque le Sud des Etats-Unis. On sent d'ailleurs que l'autrice connaît bien son sujet puisqu'elle-même étant enfant elle a été élevée en Louisiane par la femme de ménage noire de sa mère.

Pourtant le roman au début nous laisse dans l'expectative car pendant la première partie qui fait un peu plus de cent pages le lecteur se trouve au moment présent en 1990. Mary Jacob une femme quadragénaire revient à Murpheysfield la petite ville si étroite d'esprit dans laquelle elle a grandi. Revoir sa maison d'enfance, son père raciste aujourd'hui mourant, mais surtout Billy Ray le fils de Lavinia également revenu en ville pour un concert font petit à petit remonter à la surface des souvenirs douloureux que son esprit avait préféré oublier. Comme une sorte de choc post- traumatique Mary a tout oublié des quelques années qu'elle a passé en Louisiane élevée par Lavinia l'adorable domestique de ses parents et notamment concernant le drame terrible dont elle a été témoin. Je me suis demandée au tout début si l'autrice avait choisi de rester constamment au présent, si le lecteur allait être condamné à revivre ce qu'il s'était passé uniquement à travers leurs souvenirs. Ainsi j'avais un peu peur que l'intrigue manque de rythme, et que l'auteure reste trop en surface. 

Heureusement à partir de la deuxième partie et jusqu’à pratiquement la fin du roman on se retrouve enfin plongé en 1963, trente ans plus-tôt et c'est véritablement là que le roman prend tout son sens. On est alors complètement immergé dans l’ambiance si chaleureuse mais aussi par certains côtés si oppressante du Sud- américain, baigné de soleil, avec sa chaleur, ses champs de coton, son groove, mais aussi malheureusement ses tensions raciales si injustes et révoltantes. Ce sont des sentiments très contradictoires que l'on éprouve en lisant ce livre. On est à la fois en colère face à tant de bêtise humaine, mais aussi attendri face à l'amour que se portent Mary Jacob et Lavinia qui pourtant selon les lois ridicules et aberrantes de l'époque n'étaient pas censées se côtoyer et s'apprécier.

Mary Jacob est une jeune fille qui m'a énormément touché par son innocence, sa candeur et la pureté de son âme. Pour elle peu importe qu'elle soit blanche et Lavinia noire elle la considère comme sa mère, car c'est elle qui l'a élevé, elle qui est toujours là pour elle, et qui la comprend vraiment. Abandonnée par sa mère biologique malade constamment alitée et rejetée par son père qui ne voit en elle que le fils qu'il n'a jamais eu et n'aura jamais, elle grandit seule dans l’indifférence générale. J'ai trouvé que les liens qui unissaient cet enfant à sa nourrice étaient magnifiques, simples, vrais, uniques. Lavinia est une femme forte, courageuse, et qui malgré son faible niveau d'études et ce que tout le monde pense d'elle est extrêmement intelligente. Prise entre deux feux, elle doit faire face au dilemme de rester à sa place en acceptant sa condition aussi injuste soit elle pour protéger son fils Billy Ray, ou alors se battre pour être libre et faire avancer les mentalités. Elle m'a beaucoup fait penser à Aibileen dans La couleur des sentiments pour sa sagesse, sa force tranquille, mais aussi pour sa détermination.

J'ai eu un peu plus de mal à cerner Billy Ray, qui lui est plus dans la colère et le ressentiment, mais pas seulement envers les blancs, aussi envers ceux de son clan. Son désaccord envers les soulèvements progressifs des siens, son choix de fuir plutôt que de se battre m'a laissé parfois perplexe. Si je comprenais sa peur et ses doutes quant à une amélioration possible de leurs conditions, je ne comprenais et ne cautionnais pas par contre sa réaction. Finalement on comprend à travers l'énorme événement qui se déroule dans les dernières pages du livre que l'amour des siens, cette culture partagée, mais aussi ces persécutions endurées communément sont plus fortes que tout. L'unicité dont il fait preuve avec les Louisianais noirs ce jour-là est d'une beauté à couper le souffle et ma vision de Billy Ray est devenu totalement différente de celle que j'avais eu pendant une grande partie du roman.

Si vous aimez ce genre de sujet ou si vous avez envie d'en apprendre tout simplement plus sur les conflits qui ont divisé les noirs et les blancs au cours du 20ème siècle aux Etats-Unis je vous conseille Le refuge des souvenirs. Plus qu'une leçon d'Histoire, c'est aussi une belle leçon d'humanité qui nous fait réfléchir sur notre rapport à la différence et sur la tolérance des autres. C'est également une merveilleuse plongée dans la culture noire américaine, une communauté qui n'avait au fond que l'amour de leur famille et la musique pour oublier les injustices quotidiennes dont ils étaient victimes.

Pour conclure:
Un roman magnifique sur la ségrégation raciale dans la même veine que La couleur des sentiments de Kathryn Stockett que je vous conseille de tout cœur. Un roman qui nous plonge dans l'ambiance mythique du Sud-américain des années 60, mais aussi malheureusement dans un contexte plus sombre, celui des injustices perpétrées envers les noirs qui eux aspiraient juste à être traité comme les autres avec respect et considération. Une lutte contre la haine, et un appel au respect et à la liberté de chacun.

Ma note: 20/20. Un coup de coeur!

1 commentaire:

  1. Je me le suis offert au Salon du Livre de Paris. Quand je lis ta chronique, je sais déjà que ce roman va me plaire, que je vais l'aimer de tout mon cœur car La Couleur des Sentiments a été un coup de cœur également <3

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