jeudi 15 février 2018

Iboga.
Christian Blanchard.
Editions Belfond.
299 pages.
En librairie depuis le 25 janvier 2018.

Résumé:

Pire que la peine de mort : la réclusion à perpétuité... 28 octobre 1980. Jefferson Petitbois, condamné à la peine de mort, est incarcéré à la maison d'arrêt de Fresnes. Pour rejoindre sa cellule dans le couloir de la mort, il croise la " Louisette ". Comme un outrage à la dignité humaine, un doigt d'honneur à la vie, la guillotine trône au milieu de la cour. Accompagné de deux gardiens, il la frôle et sent son odeur de graisse et de limaille. Dix-sept ans ! Suffisamment grand pour tuer donc assez vieux pour mourir... Deux ans auparavant, Jefferson avait rencontré Max, son protecteur et mentor. Iboga était alors entré en lui. Iboga l'avait rendu plus puissant. Immortel. Meurtrier. Une fois, Max m'a dit quelque chose que j'ai compris plus tard : Si tu commences à mentir, mec, tu seras obligé de le faire tout le temps et tu seras piégé un jour parce qu'il y aura des incohérences, des trucs qui n'iront pas ensemble. En revanche, si tu dis la vérité, tu ne seras jamais mis en défaut. J'ai dit la vérité aux flics, avocats, juges et jurés. J'ai pris perpète et failli avoir la tête tranchée. Ce livre raconte la vérité... La vérité selon Jefferson Petitbois... Un homme trop jeune pour mourir.

Mon avis:

Ceux qui me suivent un peu savent que Karine Giebel fait partie de mes auteurs de thrillers préférés. Je pense d'ailleurs que c'est pour cette raison que les Editions Belfond m'ont fait parvenir ce roman que l'auteure elle-même qualifie de "vraie réussite". Je remercie donc la maison d'édition pour l'envoi de ce titre sans laquelle je serais sans doute passer à côté.

Chaque jour dans le monde, des criminels sont arrêtés et envoyés en prison. Mais aucun de nous ne sait vraiment au fond ce que signifie la vie en milieu carcéral et encore moins ce qu'elle était au début des 1980, date à laquelle la peine de mort était toujours pratiquée en France. C'est dans un tel contexte que nous allons suivre Jefferson Petitbois, un jeune condamné de 17 ans qui ne sait pas combien de temps il lui reste à vivre. Une journée, un mois, un an ? Il l'ignore, personne ne lui a communiqué la date à laquelle il passera sous "La Louisette" la guillotine de la prison dans laquelle il est incarcéré. C'est dans ce climat de tension extrême, de peur permanente, à ne penser à rien d'autre qu'à la mort que Jeff voit les jours défiler. Les premiers chapitres sont extrêmement intéressants parce que l'on se rend compte alors de la difficulté pour Jeff de continuer à vivre en sachant qu'à tout moment il peut partir pour l’échafaud, qu'il est peut-être en train de vivre le dernier jour de sa vie. C'est un roman surprenant parce que l'on se surprend finalement à éprouver de la compassion pour un criminel en se mettant à sa place alors même que ce dernier n'en a éprouvé aucune à l'encontre de ses victimes.

Pourtant, Jeff apprend que son arrêt de mort sera en réalité abrogée au profit d'une condamnation à perpétuité. Lui qui n'était pas supposé avoir d'avenir, voit subitement la possibilité d'en avoir un, mais à quel prix ? Entre  quatre murs, dans une pièce de 10 mètres carrés, sans aucunes visites, sans nouvelles du reste du monde, sans occupations, sans n'avoir plus jamais accès à l'extérieur, en se contentant d'une sortie d'une heure par jour dans la cour de la prison guère plus grande que sa cellule, d'une douche par semaine, et en supportant jour après jour les brimades de certains matons. N'est-ce pas pire finalement que la mort ? J'ai lu ce roman en à peine deux jours tellement la plume incisive, franche et saccadée de l'auteur très similaire d'ailleurs à celle de Karine Giebel est percutante. Elle m'a d'ailleurs permis de me mettre très facilement dans la peau et dans la tête de Jeff. On vit chaque jour avec lui jour après jour, année après année ces journées qui se ressemblent toutes, sans aucuns stimulis pour l'imagination, sans moyens d'évasion, à simplement essayer de ne pas devenir fou.

Le récit prend cependant une tournure différente lorsque une psychiatre exerçant en prison rentre en contact avec lui. C'est alors un tout nouveau visage de Jeff qui nous est révélé. Au rythme de ses entretiens on va apprendre petit à petit les crimes abominables qu'il a commis. Là encore j'ai trouvé ces passages très intéressants et très bien analysés de la part de Christian Blanchard car il n'accuse pas, mais essaie de comprendre sans pour autant excuser les raisons pour lesquelles un être humain peut en arriver là. On en apprend ainsi plus sur lui, sur son enfance détruite, son ballottement de familles d'accueil en familles d'accueil, le manque d'amour évidant, sa rencontre avec Max un homme qui l'a enfoncé encore un peu plus au point de commettre l'irréparable... A travers l'histoire de Jeff c'est notre regard sur les criminels qui est remis en question, ces individus qui en viennent à commettre un jour des actes  effroyables, même si à mon sens cela ne les excuse pas pour autant évidemment.

Il est vrai que Jeff ne nous apparaît pas vraiment comme une personne sans cœur au vue de certaines de ses réactions, comme par exemple sa clémence envers l'une de ses victime, son amitié avec Jean l'un des gardiens de la prison, son affection pour une souris qui lui rend visite chaque jour dans sa cellule qui m'a d'ailleurs énormément fait penser à celle que ressent un détenu avec ce même animal dans le roman La ligne verte de Stephen King. Parce qu'après tout Jeff si horribles soient ses crimes reste un humain malgré tout, doté de sentiments et d'émotions, une personne comme vous et moi, mais qui n'est pas partie avec les meilleurs chances dans la vie, qui n'a pas fait les bons choix, qui n'a pas fait les bonnes rencontres, ni n'a eu les bonnes réflexions. Un être humain qui s'est perdu en cours de route, sans doute trop facilement influençable, et qui aujourd'hui se retrouve face à sa conscience et à ses propres actes.

Pour conclure:
Iboga est un thriller assez particulier où la psychologie domine, un roman presque étouffant du fait de l'isolement et du confinement du personnage principal, mais passionnant dans sa compréhension de l'âme humaine. A lire.

Ma note: 17/20.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire