mardi 8 mars 2016

Le gardien de nos frères.
Ariane BOIS.
Editions Belfond.
385 pages.

Résumé:

Entre 1939 et 1967, de Paris à Toulouse et de New York à Tel Aviv, l'extraordinaire destin de deux êtres fracassés par la guerre. Rien ne prédestinait Simon et Léna à se rencontrer. Lui appartient à la bourgeoisie juive parisienne, patriote, laïque et assimilée ; il a été maquisard et blessé au combat. Elle est issue d'un milieu de petits commerçants polonais et a réussi à survivre au Ghetto de Varsovie. En 1945, la guerre leur a tout pris. Chacun de leur côté, ils vont accepter une mission très particulière : rechercher des enfants juifs cachés par leurs parents dans des familles, des orphelinats ou des couvents, quand il s'avère que ceux-ci ne rentreront pas des camps. Simon parce que son petit frère Elie a disparu dans des conditions mystérieuses ; Léna car elle espère ainsi redonner du sens à sa vie. Et cela va les entraîner bien au-delà de ce qu'ils auraient pu imaginer. C'est l'histoire de deux jeunes révoltés qui, dans une France exsangue, vont se reconstruire grâce à la force de l'amour. De Paris à Toulouse, d'Israël à New-York, un roman d'aventure porté par le souffle de l'Histoire.

Mon avis:

J'ai lu énormément de romans traitants de la seconde guerre mondiale mais jamais je crois concernant le sort des enfants juifs à la fin de la guerre, qui sont pourtant des milliers en 1945 à être devenus orphelins. Ce sont des enfants rescapés des camps ou qui ont été cachés par des habitants qui n'ont pas hésité à risquer leur vie pour les sauver des rafles allemandes.

Simon Mandel, lui a perdu presque tous les membres de sa famille, ses parents, son frère et sa sœur aînés, Il ne lui reste plus que son frère cadet Elie, dont il n'a plus de nouvelles. Ce dernier avait à peine 10 ans la dernière fois que Simon l'a vu avant de rentrer dans la résistance. Déterminé à le retrouver, il va entrer chez les Dépisteurs, dont la mission est de retrouver les enfants orphelins dont les parents ne sont pas revenus des camps. C'est un livre dans lequel j'ai énormément appris. Notamment en ce qui concerne la mission même des Dépisteurs, dont je ne connaissais pas l'existence. Je ne savais pas qu'il y avait eu de telles organisations mises en place à la fin de la guerre.

Effectivement, certains enfants échappaient à la mort et étaient recueillis par des habitants ou des prêtres qui les cachaient chez eux, dans des couvents ou des orphelinats. Pour les plus chanceux d'entre eux, ils tombaient dans une famille aimante, qui les traitait comme leur propre enfant. Souvent, ils étaient reconvertis à la religion de la famille adoptive, qui généralement ne voulait pas qu'on leur reprenne ensuite les enfants. D'autres malheureusement, atterrissaient dans des foyers où la violence et les abus sexuels étaient monnaie courante.

Simon va ainsi avoir la lourde responsabilité de choisir l'avenir de ces gamins qui n'ont plus rien. Il va devoir faire face quelque fois aux remords et à la douleur de déraciner, d'arracher à nouveau ces enfants à des gens auxquels ils se sont attachés, qu'ils considèrent comme leur deuxième famille, pour les confier à une tante ou à un oncle dont ils n'ont la plupart du temps jamais entendu parler. Selon lui, ne vaut-il pas mieux parfois les laisser dans ces familles auxquelles ils se sont habitués, où ils sont choyés, plutôt que de les envoyer auprès de parents qu'ils ne connaissent ou ne reconnaissent pas? 

Malgré tout, Simon ne peut s'empêcher de penser que s'il retrouve Elie vivant, même si ce dernier est heureux là où il est, il ne pourra pas le laisser dans une famille qui n'est pas véritablement la sienne. J'ai trouvé ce paradoxe très intéressant. D'un côté son souhait le plus cher est que ces enfants retrouvent les leurs et reprennent leur vraie religion, au nom de tous ceux qui sont morts pour la conserver, mais de l'autre il veut ce qu'il y a de mieux pour eux, même si pour cela il doit les laisser dans ces foyers d'accueil.

Le jeune homme effectue cette mission avec Léna, une jeune polonaise orpheline, rescapée du ghetto de Varsovie, qui est profondément marquée par ce qu'elle a vécu dans son pays et qui veut redonner un sens à sa vie. Ils vont souvent devoir faire face à des gens méfiants, qui n'osent pas ou ne veulent pas leur confier les enfants, mais également des personnes racistes, qui malgré la guerre et les millions de morts qu'elle a faite, continuent à traiter les juifs comme le faisaient les nazis. On se rend compte qu'en 1945 les conflits ne sont pas finis en France, mais aussi à l'étranger, en Palestine notamment où les combats font toujours rage.

J'ai adoré le duo Simon/Léna, qui au départ ne s’apprécie pas tellement. Les deux jeunes gens ne se parlent presque pas, alors même qu'ils ont tant en commun. Ils ont tous les deux subi des blessures physiques, connu la faim et souffert de cette même douleur provoquée par la perte de leur famille. Léna qui n'est pas toujours d'accord avec Simon sur les décisions à prendre concernant les enfants, va malgré tout petit à petit apprendre à apprécier le jeune homme et à lui faire confiance. Ils vont se rendre compte qu'ils ont besoin l'un de l'autre pour s'en sortir; tenter d'oublier, et commencer une nouvelle vie.

C'est un roman poignant, parce qu’il met en évidence le sort des enfants orphelins, devenus pupilles de la nation, mais aussi parce qu'il lève le voile sur l'état de la France à la fin de la guerre, dans lequel les familles étaient dispersées à travers tout le pays, quant elles n'étaient pas complètement décimées. Des enfants livrés à eux mêmes, qui ne reconnaissaient bien souvent pas les leurs quand ceux-ci avaient survécu, et qui parfois vivaient dans des conditions épouvantables dans les foyers qui les avaient recueilli. Ce roman pose les questions de comment se reconstruire quant on a perdu tous les siens? Comment recréer des liens quand on a été séparé pendant des années, et que l'on a grandit dans une autre famille que la sienne? Comment se sentir utile et redonner un sens à sa vie? Quelles décisions prendre pour tous ces orphelins? Comment refaire confiance en l'être humain? 

"Le deuil n'est ni une épreuve ni un concours. On n'en sort pas premier, juste infirme à vie" (p.364).

Pour conclure:

Un roman bouleversant que je vous conseille bien évidemment. Ariane Bois a su nous décrire avec justesse ce que pouvaient éprouver ces enfants qui se retrouvent sans rien au lendemain de la seconde guerre mondiale, et qui luttent depuis, jour après jour pour s'en sortir et retrouver goût à la vie. Je remercie beaucoup les Editions Belfond pour cet envoi.

Ma note 20/20. Un coup de cœur! 

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